Qui se souvient aujourd’hui de petrus sambardier ? (1875-1938) Ce journaliste, « chansonnier » produisit de nombreux articles savoureux traitant pour la plupart du terroir lyonnais.
Nous reproduisons ici un article délicieux consacré au vin de Brindas qui a inspiré de nombreux humoristes à commencer par les auteurs du répertoire de Guignol, qui ont fait de notre cru le penchant favori de notre Gnafron.
« Le vin de Brindas n’est certes pas du Brouilly ou du Juliénas, mais il est, comme petit vin des campagnes lyonnaises, fort honorable et savoureux. »
Cependant la réputation existe. Vous entendrez dire couramment :
« Une grive qui a piqué un raisin à Brindas vient mourir à Chaponost. »
Et notre maitre Puitspelu a consacré la légende. Il écrit au mot « Brindas » de son Littré : (1)
Vin de Brindas : mauvais vin.
(1) Nizier de Puitspelu : le Littré de la Grand’cote, académie du Gourguillon 1903.
Brindas, village de nos environs, renommé pour la fâcheuse qualité de son vin.
« Un lyonnais, pour gausser, dans un grand restaurant de Paris demande : Avez-vous du Brindas ?
Mais il fut le dindon de la farce.Certainement, Monsieur !
Petrus Sambardier
Et on lui apporte un vin cacheté quelconque qu’à l’addition l’on compte six francs »
Noter qu’au temps de Puitspelu, du vin à six francs n’était pas du vin à baigner les pieds des chevaux. Notre fabricant dut trouver sa plaisanterie salée.
Il suffira d’expliquer l’origine peu connue dont souffre le cru brindasique pour le réhabiliter. Croiriez-vous que c’est un coup des curés !
La déchéance du vin de Brindas fut prononcée, il y a fort longtemps, dans les séminaires et presbytères du diocèse de Lyon. Et voici comment.
Dans les temps où l’on n’avait pas encore volé son bien au diocèse, nos vieux archevêques avaient des vignes un peu partout et récoltaient leur vin. Celui du Beaujolais, ils ne le débitaient pas au détail comme le faisaient du leur les dames de Saint Pierre, qui tenaient cabaret vers la rue du Platre. Non, les archevêques faisaient hommage au Saint Père de leurs meilleurs crus, réservaient les crus de la seconde classe pour les cadeaux et gratifications, et vendaient le reste.
Pour ce qui était du vin de Brindas, un peu maigriot, mais fort buvable, il était réservé pour la consommation dans les séminaires, alors fort nombreux.
La production du cru de Brindas n’était donc pas suffisante pour désaltérer toute cette jeunesse. Alors, que faisaient Messieurs les économes et dépensiers ?
Vous le devinez. On servait aux jeunes clercs, chantres et enfants de chœur, un Brindas largement mouillé.
Bien sûr qu’on ne le leur disait pas. Les jours où il y avait du vin au réfectoire, on annonçait « vin de Brindas ».
Nos futurs prêtres, dont beaucoup étaient fils de vignerons, trouvaient, naturellement, ce vin bien chétif.
Ils faisaient un peu la grimace en pensant : « Quand je serai curé, ce n’est pas du Brindas que j’offrirai à mes marguilliers, le dimanche de Quasimodo, au déjeuner de signature des comptes paroissiaux ! »
Et dans les presbytères, dans les collèges, les anciens séminaristes devenus vicaires, curés, professeurs, à toute réunion confraternelle, ne manquaient pas de s’écrier : «Et surtout, pas du vin de Brindas ! » Au dessert, on évoquait en riant le souvenir peu capiteux du cru du séminaire.
Vous voyez que la fâcheuse renommée est d’origine ecclésiastique et que cette renommée n’a plus de raison d’être, même dans les séminaires, vu que l’archevêché ne possède plus de vignes à Brindas. (2)
(2) Les surfaces occupées par la vigne sur notre commune avoisinaient 200 hectares en 1824. Les ravages causés par l’épidémie de phylloxéra, malgré le renouvellement des cépages ont réduit cette surface à 68 ha en 1914 et 50 ha en 1950. La production aujourd’hui est marginale.
Cet article a été publié dans l’Essentiel de Brindas N°87 de septembre 2021