par M. Paul Pelcé, Master 1 et 2 Histoire et Archéologie médiévales
Le Châtelard sur la commune de Courzieu, entre les cols du Malleval et des Brosses, est un site important de hauteur composé de trois enceintes en pierre, qui a été prospecté et fouillé à plusieurs reprises dès le début du XXe siècle [1].
En 2013, Fabien Delrieu, archéologue au SRA Auvergne-Rhône-Alpes, crée un P.C.R. [2] intitulé Les habitats fortifiés à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer sur le versant oriental du Massif Central, qui inclut le Châtelard de Courzieu dans son étude. Des fouilles sont faites ainsi qu’une étude exhaustive du mobilier qui avait été recueilli lors des fouilles des années 1963, 64 et 67 [3].
Les conclusions indiquent une occupation depuis l’Âge de Bronze final, durant les 1er et 2ème Âge du fer, au cours de l’Antiquité tardive et à la fin du Haut-Moyen-Age [4], avec de nombreux hiatus ; le mobilier montre que ce site a été un lieu important de pouvoir.
Situé à 888 m d’altitude, offrant une vue panoramique sur les vallées du Rhône et de la Brévenne, le site stratégique du Châtelard a été occupé pendant 1500 à 1700 années de façon discontinue.
Ce site était en relation avec d’autre sites, aussi bien avec ceux de la vallée du Rhône comme ceux de la vallée de la Brévenne et au-delà.
Il y avait donc des chemins partant du site du Châtelard.
Notre étude sur le bourg médiéval de Brindas [5] met en évidence une origine gauloise de Brindas, voire de l’âge du Bronze, et une présence gallo-romaine.
Nous nous sommes posés la question de l’existence de vestiges d’un chemin reliant le Châtelard à Brindas.
En observant la carte IGN 2931 ET [6], nous voyons apparaître une voie presque rectiligne qui part de Brindas pour rejoindre la départementale 113 au pied du Mont Châtelard et se poursuivre au-delà vers sur la commune de Courzieu.
Cette voie, faite d’une succession de chemins de terre et de portions de routes gravillonnées, est-elle le vestige d’un ancien chemin pour accéder au site protohistorique du Mont Châtelard et/ou pour passer dans la vallée de la Brévenne ?
Dans l’espoir de trouver des indices nous avons emprunté cette voie, pris de mesures et des photos.
Reportage
Nous avons parcouru à pied cette voie dans le sens Brindas – Mont Chatelard, en compagnie de deux personnes [7]. Voir la carte fig. 1
Fig. 1 – Le trajet Brindas au mont Châtelard
Nous sommes partis du point 2, au bord de la D 50 (310 m d’altitude) ; ce chemin appelé Les Aumônes, sur la commune de Vaugneray, quasi rectiligne sur une grande partie, mesure 3 m de large.
Il faut traverser la Rivière Yzeron à pied 82 m après le départ ; le chemin en terre sur 0,453 m, gravillonné sur 0,787 m arrive au point 3 qui est la jonction avec la route départementale 289 (altitude 370 m), appelée Route d’Yzeron (Fig. 2).
On constate un hiatus au point 3 puisque le chemin se dirige naturellement vers les hameaux Le Rozier, La Chana, la Prouty, sur la commune de Vaugneray.
Il faut prendre la route 289 vers Yzeron sur 60 m jusqu’au point 3a pour retrouver notre chemin ; on peut imaginer aisément une liaison directe, mais cette discontinuité est présente sur le cadastre napoléonien de 1824.
Du point 3a au point 4 (altitude 440 m), le chemin en terre, de largeur variable entre 2 et 2,5 m est rectiligne sur 370 m.
On traverse le hameau les Roches par une route goudronnée jusqu’au point 5 (altitude 464), où l’on retrouve un chemin en terre. La distance entre le point 3a et 5 est de 815 m.
Du point 6 au point 7, col de la Fausse, (601 m d’altitude) le chemin meure de 2,40 m de large sur une distance de 1,55 km. Après une grimpette tortueuse de 240 m, on trouve un très beau chemin qui sinue très peu. Au niveau du col de la Fausse le chemin mesure 2,40 m.
À gauche du Col de la Fausse est situé le mont Pellerou (630 m d’altitude), site supposé de l’ancien village de Vaugneray.
Entre le point 7, celui du col de la Fausse et le point 8 on emprunte de nouveau un très beau chemin de terre de 2,4 m sur 352 m.
Après le point 8, une route gravillonnée rejoint le hameau Les Jumeaux (point 9) sur 1,08 km Fig. 5).
On constate un 2ème hiatus, puisqu’il faut suivre une route pendant 22 m avant de prendre le chemin à gauche.
Il semble que cette situation est le résultat de l’aménagement du carrefour.
À partir de ce carrefour point 9, le chemin de terre d’une largeur de 2 m environ se rapproche du mont Châtelard. Il est rectiligne jusqu’au point 10 (distance de 610 m) puis forme un angle avant de rejoindre le point 12, qui est la jonction avec la départementale D 113 sur 430 m (Fig. 6).
A partir du point 11, un chemin contourne le mont Châtelard du nord au sud. Nous avons trouvé une sente qui part du point 13 et avons escaladé le mont pour atteindre le sommet, où se situe le site protohistorique. Etroit et tortueux, il ne s’agit sans doute pas d’un vrai chemin.
Nous avons traversé la départementale D 113 pour continuer le chemin de terre qui se dirige vers Courzieu. Il rejoint une route goudronnée après 2,2 km.
Observations
Du point 0 à Brindas jusqu’au point 10 au pied du mont Châtelard, le chemin est presque rectiligne ; si on observe les dénivellations sur la carte IGN, on s’aperçoit que le chemin contourne les massifs, mais se dirige bien vers le mont Châtelard.
Il y a bien sûr le hiatus au point 3, qui pose un problème.
Le cadastre napoléonien présente le même chemin en 1824 (Fig. 8).
Conclusion
Entre les points 6 et 7, puis 8 et 9, le chemin large de 2,40 m montre qu’il pouvait être utilisé par de lourds charrois qui pouvaient se croiser.
Ce chemin qui se dirige de Brindas au mont Châtelard est séduisant et troublant, mais reste une hypothèse.
Il est indiscutable qu’il a été utilisé, mais sa création peut dater de l’époque médiévale, ou d’une époque plus récente.
Seules des fouilles officielles ou des découvertes fortuites pourraient apporter des réponses.
Et ce chemin à Brindas ? (Fig. 9)
On constate un chemin sur les réseaux viaires de Brindas, qui part du point 1 pour se diriger vers le Pont de Chêne sur l’ancienne voie antique qui reliait Lyon à Saint-Symphorien-sur-Coise. Il passe à côté des Hotteaux, ancienne maison forte construite en 1287.
Le tracé en pointillé à partir du point 0 est une autre hypothèse pour rejoindre le Pont de Chêne.
Ce chemin pouvait aussi se diriger vers la vallée du Rhône via Chaponost.
Annexe : sources
[1] Carte archéologique Le Rhône 69/1, 2006, p.p. 210-211
[2] Programme Commun de Recherche
[3] Henri Bougnol, l’oppidum du Châtelard, l’Araire, 1969, pp. 19-22
[4] La céramique découverte ne permet pas d’être précis
[5] Paul Pelcé, mémoire de Master 2, Lyon 2, 2016
[6] Carte IGN, TOP 25, 2011
[7] Denis Rionnet et Marc Chevat, tous deux de l’association d’histoire le Vieux Brindas