Matériaux pour une étude Brindas, la soie et les soyeux recueillis par Gaston Bensan [1984]
Cette rubrique est une retranscription de l’ouvrage « Chronique Brindasienne », édité en 1984 par l’association du Vieux Brindas. Certaines des recherches proposées ici ont pu faire l’objet d’une mise-à-jour par des travaux plus récents. N’hésitez pas à compléter votre lecture par d’autres articles sur le site du Vieux Brindas.
La culture du mûrier
Très répandue autrefois dans nos régions comme dans toute la vallée du
Rhône. On note en 1818, 230 mûriers à Tassin et en 1836, 600 mûriers à Oullins.
« La plupart des maisons s’enorgueillissaient de belles allées d’arbres plus ou moins longues. Beaucoup d’entre elles étaient des allées de mûriers, car l’élevage des vers à soie devenait très à la mode dans la région, en ce milieu du XVIIIe siècle. »
Terrier Contamine rapporté par l’Abbé Jomand, (Chaponost en Lyonnais, page 125).
À Brindas, la famille Guigou habitait primitivement aux Andrés. La légende rapporte que pour accéder à la maison d’habitation, il y avait une allée de mûriers et qu’il s’y faisait l’élevage des vers à soie. Ce serait donc le premier pas vers une activité qui sera florissante. Dans le village, il restait encore il ya très peu de temps, deux mûriers abattus en 1984 lors de l’élargissement du chemin des Andrés. À notre connaissance, il reste encore un mûrier dans la propriété de la famille Martin, route de la Joanna.
À consulter :
- Le Tissage rural des soieries dans le Rhône, Lyon 1902 T./ pp 183-196 (mouvement économique et social dans la Région Lyonnaise).
- Mémoires sur la culture du mûrier blanc et la manière d’élever les vers à soie, lus par M. Thome à la Société Royale d’Agriculture de Lyon, 1763.
Tissage de la soie
Au début du XIXe siècle, les fabricants lyonnais envoyaient des contremaîtres qui plaçaient la soie chez les artisans. Ceux-ci, propriétaires de leurs métiers rendaient les pièces tissées aux contremaîtres qui les renvoyaient à Lyon pour les opérations de teinture, d’apprêt et finition. A Brindas, il y avait alors 4 « fabricants » patentés et quelques familles occupées à ce travail. La famille Guigou Cette famille à l’origine paysanne est présente à Brindas depuis le début du XVIIe siècle avec Pierre Guigou, laboureur. Son petit fils Pierre Guigou dit Gabou (1670-1729) est aussi laboureur.
Jean (1696-1781) fils de Pierre qui précède a été maistre plieur de soye en 1729, marchand bourgeois de Lyon en 1739. Il acquiert en 1753, donc à la quatrième génération, le château du Plaisir et la charge d’écuyer, secrétaire du Roi, Seigneur de Monplaisir. Claude (1697-1779) frère de jean, marchand-fabriquant à Lyon: Jean, neveu de Jean, petit fils de Pierre est en 1753 marchand plieur de soie. Antoinette, sœur de Jean qui précède est mariée à Antoine Maréchal, faiseur de métiers de bas de soie. Les descendants tiendront une grande place dans l’industrie et le commerce de la soie à Lyon.
L’ascension sociale est ponctuée par les mariages. Au début les unions sont contractées au village d’abord avec les familles de même condition (Chazottier, Bouchard, Murat, Boirivent) puis après avec celles les plus pourvues en terres ou les plus considérées.
Par la suite, les épouses sont des filles de notables, notaires ou de la noblesse, écuyers, chevaliers.
En 1788, la municipalité sur demande de l’Assemblée de Département de l’Election de Lyon dresse la liste des privilégiés de la paroisse.
On lit dans la réponse :
Bourgeois de Lyon, Mme Guigou possède dans la paroisse quatre domaines dont trois en ferme, et quatrième en grangeage, les trois fermes font une somme de 1800 livres, et l’autre qui est en grangeage dont la ferme irait à 500 livres plus la dite dame a en réserve 4 prés dont la ferme irait à 500 1, plus 3 vignobles dont le produit annuel est d’environ 100 anés de vin, plus environ trente bicherées de bois taillés qui se coupe tous les neuf à dix ans.
Enfants d’ouvriers en soie, décédés en nourrice à Brindas
- En 1701, Jacques, fils de Guillaume Foucher maistre-ouvrier en drap d’or et de soye de la ville de Lyon .
- En 1730, Marie-Laurence (2 mois) fille d’Antoine Chabert, cardeur de soye à Lyon.
- En 1735, Antoinette, fille de Louis Mathieu, marchand tireur d’or bourgeois de Lyon.
Les veloutiers
Pour des données complémentaires sur l’évolution des métiers à Brindas, voir la rubrique dédiée
Un recensement professionnel signale la présence en 1803 de 4 fabricants patentés employant une main-d’oeuvre recrutée dans les familles de paysans, qui trouvent dans ce travail un revenu d’appoint.
Après la construction du Pont Chabrol et la liaison réalisée avec la ville par Craponne, cette main-d’oeuvre ira en augmentant.
En 1832 | Il y avait à Brindas 140 veloutiers. |
En 1851 | Sous la rubrique « Fabricants de tissu soie » : maîtres ouvriers : 74 ; ouvriers: 72 ; apprentis: 30 ; soit au total: 176. |
En 1872 | Hommes : Patrons 124 ; famille 154 Femmes : Patrons 2 ; famille 321 soit 601 personnes sur une population de 1.247 qui vivaient en partie du revenu de la soie. |
En 1876 | Travail de la soie : 98 exploitations ayant un personnel masculin de 142 et féminin de 170 ; soit 312 personnes. |
En 1886 | Veloutiers : Hommes 38 ; Femmes 17 ; Ouvriers 4 ; Famille : hommes 33 ; femmes 60 ; soit 152 personnes. À titre comparatif, il y avait à Messimy [?] |
En 1833 | 179 métiers occupant 78 habitants de Messimy, 87 personnes de l’extérieur. |
En mai 1866 | Métiers battants: 326 ; métiers non occupés 35, soit 361 métiers occupant 163 veloutiers. |
Un contrat de mariage entre veloutiers en 1842
« furent présent J. fabricant de velours, fils de propriétaires cultivateurs de Brindas, époux futur d’une part,
et Demoiselle X. aussi fabricante de velours demeurant en la commune de Brindas, fille de P. décédée, fabricante de velours en la commune de Chaponost, épouse future d’autre part, .. …En faveur de ce mariage la future épouse se constitue de son chef et provenant de ses gains et épargnes la somme de quinze cent cinquante francs, savoir celle de six cents francs en la valeur de son trousseau composé de ses habits, linges,. nippes, hardes et joyaux, celle de deux cents francs en la valeur d’un métier pour la fabrication des velours garni de tous ses agrés, d’une commode bois noyer à trois tiroirs et d’un garde manger bois dur, lesquels trousseau et objets mobiliers ont été évalués aux dites sommes du consentement du futur époux, sans que celle évaluation ôte la propriété des dix objets à la future, et celle de sept cent cinquante francs en argent que la future promet de remettre et délivrer à son époux futur le jour de la célébration du présent mariage et sans qu’à celle époque il soit besoin de quillance ou reconnaissance nouvelle, celle solennité devant en tenir lieu à l’épouse future …. . .
L’époux futur déclare que tous les biens meubles qu’il possède quant à présent tant en métiers pour la fabrication des velours, meubles meublantl~ argent comptant qu’autres objets mobiliers représentent une valeur de huit cent francs indépendamment des nippes et hardes à son usage personnel, non estimés de son consentement.
Se constitue en outre la future épouse tous les autres biens et droits qui lui écherront par la suite, pour la régie, perception et administration desquels elle a fait et constitué son époux futur pour son procureur général, spécial et irrévocable auquel elle donne tous pouvoirs requis et nécessaires à la charge par lui de passer quittance de ce qu’il recevra d’elle ou pour elle et de s’en charger à la forme ci-dessus.
Dont acte, fait et passé le deux avril mil huit cent quarante deux. »
Un contrat de mariage entre veloutiers en 1842
Précisions
Le futur époux, né à Brindas, était veloutier, fils de cultivateurs.
La future épouse, veloutière également est née à Lyon. Sa mère (on dirait maintenant mère célibataire) native de Chaponost, travaillait au moment de la naissance de sa fille comme retordeuse à Lyon.
Les grands-parents étaient propriétaires-cultivateurs à Chaponost-le-Vieux. Ce document nous donne des renseignements intéressants sur les conditions de vie et marque déjà l’évolution des mentalités dans nos régions au milieu du XIXe siècle.
Dans la décade 1830 à 1840, trois faits concomitants :
- Le nombre des veloutiers s’accroÎt d’une façon considérable. Des familles entières, sans rien abandonner du travail de la terre, sont occupées aux métiers. On les trouve au Bourg, à La Croix des Ramea llx, mais aussi dans la plupart des hameaux. Les veloutiers sont particulièrement nombreux à la Pillardière, à la Grand-Cour et au Brochaillon.
- La construction suit de très nombreuses maisons if trois nil’Mux ayant la hauteur utile pour abriter les métiers existent encore de nos jours m e du Vieux Bourg, au Guillermy. L’exode vers la ville se ralentit. La population augmente.
- Les réclamations contre le mauvais état des chemins et l’insuffisance des liaisons avec la grande ville centre dispensateur du travail se font de plus en plus vives. Il en est de même dans tous les villages voisins qui sont comme Brindas à l’écart de la route de Bordeaux : Soucieu, Thurins, Messimy.
La route de la soie
En 1842, le Conseil Général du Rhône avait décidé d’établir un chemin de Grande Communication entre Craponne et Saint-Symphorien-sur-Coise. Cette route, « route de la soie », commencée en 1848, construite par les canuts en chômage* fut inaugurée en 1858. Dès 1856 elle commençait à être praticable et un service de voitures (diligences) s’établissait entre Lyon et Thurins.
* Voir Chronique Brindasienne 1982, page 69 » Le chômage en 1855.
Antoine Gros dit Barbefine et la révolte des Canuts
Antoine Gros dit Barbefine est né à. Brindas en 1804, fils d’Antoine Gros, cultivateur originaire de Vaugneray. Antoine a quitté Brindas à l’âge de 16 ans. Il y reviendra en 1833, forçat libéré du port de Toulon, et autorisé à fixer sa résidence à Brindas, placé sous surveillance légale. Arrêté à nouveau à l’occasion des événements d’avril 1834, il a été remis en liberté en vertu d’un arrêt de non lieu rendu par la Cour de Paris.
Surveillance policière
Préfecture du Rhône
Division de la Police
Monsieur le Maire,
Lyon, 13 février 1834
Je suis informé que des agens de la coalition qui a pour but de faire cesser le travail des ouvriers en soie doivent se présenter dans votre commune à l’effet de déterminer ou d’obliger les ouvriers à couvrir leurs métiers.
Je vous prie, Monsieur le Maire, de prescrire les mesures nécessaires pour faire constater les tentatives auxquelles on se livrerait pour obliger à cesser le travail et qui auraient pour résultat d’établir l’existence d ‘une coalition dans le sens déterminé par l’art. 415 du Code Pénal, cas auquel les instigateurs devraient être arrêtés et livrés à M. le Procureur du Roi.
Je vous serai obligé, Monsieur le Maire, de me tenir informé de la suite de celle affaire sur laquelle j’appelle votre attention d’une manière toute spéciale.
Le Conseiller d ‘Etat, Préfet du Rhône
Le délit de coalition a été abrogé par la loi du 21 mars 1884 sur les Syndicats.
Jean Barthélémy Chazottier
Dernier né d’une famille de cultivateurs de 9 enfants, Jean Barthélémy Chazottier est né à Brindas en 1804. Il quitte le village à 17 ans pour Lyon. D’abord apprenti puis ouvrier. en soie et ensuite fabricant. Illettré, ne connaissant que ses 4 règles, il était très intelligent, travailleur, entreprenant et d’un grand bon sens. Installé Place Tolozan et aidé par son premier commis qui deviendra son gendre, il réalise une fortune considérable. Etant millionnaire en francs de l’époque il avait cocher portant cocarde à son chapeau.