Cette rubrique est une retranscription de l’ouvrage « Chronique Brindasienne », édité en 1982 par l’association du Vieux Brindas. Certaines des recherches proposées ici ont pu faire l’objet d’une mise-à-jour par des travaux plus récents. N’hésitez pas à compléter votre lecture par d’autres articles sur le site du Vieux Brindas.
Au XVIIIe siècle, Monsieur M. cultivateur au Guillermy, hameau de Brindas, exploitait des terres, prés, vignes et bois disséminés dans toute la commune (aux Granges, Verchère, Roulatte, Puibérard, Pinay, Cheray). L’ensemble, pour 34 parcelles fait environ 10 hectares.
En 1805, Monsieur M. à 81 ans. Il est veuf. Le ménage a élevé 8 enfants : 5 filles, toutes mariées, l’une au Bourg de Brindas avec un marchand, les 4 autres à des cultivateurs résidant dans des communes voisines. 3 garçons, les deux premiers travaillant avec leur père, le dernier est boulanger.
Monsieur M. a l’intention de se retirer de la vie active et de procéder au partage de ses biens. La relation nous est rapportée dans le détail par un acte notarié du 29 Frimaire An XIV (19 Décembre 1805). Ce jour là sont réunis dans la maison du Guillermy, en présence du Notaire, le père, les enfants sauf le dernier garçon qui est aux armées « au service de l’Empire », les gendres, et en qualité de témoins le Maire de la Commune M. MALAVAL et un géomètre.
L’acte notarié expose ce qui suit :
« Napoléon Bonaparte, Empereur des Français,
A tous ceux qui ces présentes verront, salut.
Savoir faisons, que M. … lequel n’ayant plus les forces nécessaires pour vaquer à la culture de ses biens et voulant mettre un intervalle entre la vie et la mort, après mûres réflexions a fait démission remise et transport de tous ses biens meubles et immeubles. »
Le partage des terres et de la maison
« Pour les immeubles, il a été fait huit lots des plus égaux en valeur que faire s’est pu, lesquels lots ont été numérotés pour être tirés au sort par les copartageans. »
La partie réservée pour le père
« Se réserve le dit M. la jouissance d’une portion des bâtiments composés d’un bas (I) chambre et lambris au-dessus, avec les passages dans la cour et dans la cuisine et le droit de puisage: et ce pendant la vie seulement du démettant ;
puis la jouissance aussi pendant sa vie d’une garde-robe bois noyer fermant à quatre portes et deux tiroirs, une petite table bois noyer, un lit à quatre colonnes même bois, garni d’un garde-paille, d’une balouffière (2) en couti garnie de bourre, d’une autre balouffière garnie en balouffes, deux traversins, l’un en couti l’autre en toile. Le dit lit garni de ses pentes en burat (3) couleur gros vert, deux couvertures l’une en laine l’autre en indienne, onze draps de lit, six nappes toile de ménage, un coffre bois noyer fermant à clef, un dressoir bois noyer sur lequel douze assiettes façon fayance, trois plats d’étain, un crochet à peser, un poêle et ses cornets, une mauvaise panière en bois noyer, deux barreilles beaujolaises, quatre sacs toile de cordat (4) une poêle à frire, un tamis, deux paniers à pain, un chenest, un pesle à feu, une creuillère, deux fourchettes fer et un gaufrier.
Lesquels meubles et effets, au décès du dit M. seront partagés entre les dits huit enfants sus nommés (sauf l’usage) comme compris dans la présente démission. »
La pension viagère
« Seront tenus les dits démissionnaires de payer à leur père demettant, une PENSION ANNUELLE VIAGERE et ALIMENTAIRE de QUATRE CENTS FRANCS, d’une part, payable en deux payements de deux cents francs chacun, le premier au jour et feste de St-Jean d’Eté (24 Juin), le second, de pareille somme, au jour et feste de St-Martin d’hiver et ainsi d’années en années jusqu’au décès du sieur M.
Plus se réserve le dit M. pendant sa vie seulement et annuellement : huit kilogrammes de beurre et huit douzaines d’œufs de poule livrables annuellement au fur et à mesure des besoins du dit M. ».
En 1805, il n’y avait ni retraite ni I.V.D. (indemnité viagère de départ). Par l’acte notarié ci-dessus et qui nous a été communiqué par un ami du Club des Retraités, nous apprenons comment un cultivateur propriétaire (qui était parmi les mieux favorisés) s’était retiré de la vie active, les conditions de son habitat et les ressources qui lui permettaient une vie indépendante pour ses vieux jours.
(I) rez-de-chaussée
(2) balouffe (écorce de grains d’avoine)
(3) burat: étoffe de laine grossière
(4) cordat: toile d’emballage