par Alain Neyret [1984]
Cette rubrique est une retranscription de l’ouvrage « Chronique Brindasienne », édité en 1984 par l’association du Vieux Brindas. Certaines des recherches proposées ici ont pu faire l’objet d’une mise-à-jour par des travaux plus récents. N’hésitez pas à compléter votre lecture par d’autres articles sur le site du Vieux Brindas.
Le patrimoine rural présente parfois un caractère historique évident. La sauvegarde, dans ce cas, devrait susciter autant d’intérêt que pour celle d’un monument ou d’une oeuvre d’art dans quelque domaine que ce soit; l’exemple en est fourni par le territoire des Hotteaux à Brindas.
Les Hotteaux(l), c’est un territoire qui couvre environ 70 hectares de terres : cultures, prés, bois et taillis. Situé à l’Est de la Commune de Brindas en bordure de Francheville, il est en forme de triangle dont la base est une route de séparation avec Chaponost, et les deux côtés dessinés par le ruisseau de Chêne à l’Est et celui du Bouleau à l’Ouest; ces deux ruisseaux se rejoignent pour former le sommet du triangle avant de se jeter dans l’Yzeron en aval du Pont Chabrol. Ce lieu-dit , important par sa superficie , l’est aussi par son histoire. Il a défrayé la chronique en maintes circonstances; c’est ce qui d’ailleurs nous a sensibilisés à l’occasion de nos recherches concernant le passé de Brindas. Nous savons qu’il y eut au cours des siècles, et selon les scribes, évolution de l’orthographe actuelle « les Hotteaux » ; nous avons relevé notamment :
En 1617 : Hostaux – 186, § : Ostaux et Hostaux – 1767 : Otaux
Une recherche encyclopédique sur les origines du nom nous fait savoir, d’une part :
Ost: » Terme vieilli qui signifie armée » ;
d’autre part :
Ostage : Hospitalité, hébergement : l’Ostelain étant l’ Hôtelier.
Nous trouvons aussi « Hotise ou Hostise » du latin Hosticia petite habitation des 12e et 13e siècle.
Enfin, le Glossaire du Patois Lyonnais nous définit le terme: « Haustau comme: Hôtel, maison mais également: caserne.
(1) La tradition a transmis jusqu ‘à nos jours la prononciation les ZOTTO
On voit combien il est difficile d’affirmer la signification première des « Ostaux ou Autels », mais nous pensons qu’elle peut indiquer à la fois une auberge et un poste de garde – en tout cas un relais.
C’est en 1286 que, pour la première fois, nous trouvons trace écrite du lieudit « Les Ostaux ». Nous savons, en effet, qu’à cette époque le Sieur Barthélemy de Poliac fit bâtir sur le domaine des « Ostaux » une habitation en forme de « maison forte » arborant Ecusson et Armoieries du Roy de France. Il y avait donc usurpation de la part de B. Poliac puisque le Diocèse de Lyon – dont dépendait le domaine était séparé du royaume depuis des siècles et il n’y fera retour que le 10 avril 1312.
Cette maison forte était située en bordure de l’unique sentier qui assurait la liaison directe de Brindas à St-Irénée, ce sentier qui était une des plus anciennes voies existantes à Brindas deviendra plus tard le Chemin Rural n° 28 traversant de part en part le domaine des Hotteaux, des Fondrières du Finday jusqu’au Pont de Chêne.
Les archives départementales nous révèlent :
une certaine Marguerite Lacharron dont l’époux Jean Pelletier se vit signifier le 5 février 1621 sentence à propos d’un tènement sis aux « Otaux » ; un bail à ferme de la dîme des « Ottaux » au nom de Jeanne et Marguerite Pelletier, probablement héritières, signé le 21 juin 1663 ; la rente noble des « Otaux » dont jouit Monsieur le Comte de Saligny, Grand Sacristain de l’Eglise de Lion, consignée dans un terrier de Larrivière de 1669.
Une déclaration des fermiers des biens des rebelles situés dans la commune de Brindas atteste que le « Domaine des Hotaud » affermé le 29 septembre 1787 par le Sieur de Savaron fut séquestré au profit de la Nation en 1794 ; ledit Savaron étant présumé de la Contre-Révolution de Lyon et plus tard fusillé.
Un contrat du 28 Vendémiaire An V (19 octobre 1797) fait état de la vente du Domaine « des Hotteaux » et du château à :
Claude Sébastien Sallinon-Sainneville, propriétaire et adjoint à la Mairie de Lyon, par Monsieur André David et G. Laurence Barral.
La même année, on retrouve le 23 Brumaire (13 novembre), contrat de vente de quelques pièces de fonds aux « Hoteaux » entre Sainneville et Jean Desvignes, son fermier.
Et le 2 mai 1807, bien après la fièvre révolutionnaire, Sainneville déclare par devant Me Girardon, notaire à Lyon, que l’acquisition du domaine avait été faite par moitié avec Jacques Benoît Pal, Avocat et Professeur de Droit à l’école de Grenoble.
Le partage est alors effectué entre les deux auteurs de la manœuvre clandestine. Au début du 19e siècle, différents actes notariés – où apparaissent les noms des familles Pal et Sainneville – nous permettent de constater de nombreuses transactions foncières concernant le domaine « des Houteaux » et son démembrement progressif, qui va se poursuivre le siècle durant. La dispersion du domaine est alors effective.
En 1882, la circulation sur le Chemin Rural n° 28 – qui était alors impossible pendant la moitié de l’année au moins – fut notablement améliorée par la construction d’un aqueduc sur le ruisseau du Chêne grâce à une souscription publique.
On peut observer, avant la dernière guerre, l’amorce du remembrement du domaine « des Hotteaux » grâce à M. Georges Courmont (fils du Sénateur Jules Courmont) qui se rend acquéreur le 5 septembre 1931 , de M. Barthélemy Gilbert Beraud de :
- 1. le Château et un tènement de 24 ha 9a 95 ca.
- 2. un tènement qui couvrira une superficie totale de 40 ha 5 a 40 ca (dans lequel sera compris un achat ultérieur du 22 mai 1932 de 1 ha 41 a 04 ca. aux héritiers de Mlle Chirat).
À la libération, le remembrement se poursuit avec M. Alexandre Bonjean, huissier de son état et qui deviendra plus tard une personnalité marquante du monde agricole local et national avant de devenir Maire de Brindas. En effet, le 12 septembre 1949, deux contrats de vente sont signés. Georges Courmont cède les deux lots : le premier de 24 ha 9 a 95 ca à Alexandre Bonjean qui l’acquiert au moyen d’un prêt consenti par la Caisse Mutuelle de Réassurance Agricole contre l’Incendie du Sud-Est, le second de 40 ha 5 a 40 ca, à la même Caisse Mutuelle qui le rétrocèdera à Alexandre Bonjean le 16 décembre de la même année.
Le domaine s’enrichit, le 24 juin 1961, de 26 a 42 ca provenant de l’ancien Chemin Rural n° 28 cédé par la Commune de Brindas à M. Bonjean (alors Conseiller Municipal). ‘La reconstitution « des Hotteaux » continue avec l’achat d’une nouvelle mais’on d’habitation et d’un terrain de 1 ha 43 a 44 ca à la même Caisse Mutuelle de Réassurance Agricole contre l’Incendie du Sud-Est, laquelle avait acheté ces biens fonciers :
le 24 novembre 1951 à M. Basset,
le 21 septembre 1959 à M. Martin.
Le remembrement s’achève avec l’achat d’un terrain de 1 ha 49 a 10 ca à Mme Compte: veuve Chalimbaud demeurant lieu du Pont de Chêne, le 6 décembre 1966.
À cette date, on peut alors remarquer que le « Domaine des Hotteaux » est à nouveau unifié et ressemble – dans sa configuration – pratiquement à ce qu’il était il y a 700 ans.
Depuis, il n’a pas subi de modifications dans ses formes et superficie puisque : le 14 janvier 1974, par devant Maître Chaine, Notaire, M. Alexandre Bonjean, propriétaire-exploitant, et son épouse demeurant à Brindas « Domaine des Hotteaux » d’une part, M. Denis Finaz, agissant au nom et pour le compte de la Société Lyonnaise de Construction (S.L.C.) – ladite Société agissant en qualité de gérant de la S.C.1. « Domaine des Hotteaux » d’autre part, ont contracté vente dudit Domaine dans son intégralité comprenant notamment: 3 maisons d’habitations bourgeoises et un terrain de 67 ha 33 a 91 ca.
A cette époque, l’affaire « des Hotteaux » défraya la chronique puisque le P.O.S., qui autorisait alors la construction sur le domaine dans son intégralité, fut remis en cause, puis finalement annulé par le Tribunal Administratif de Lyon, le 15 juin 1976.
Le nouveau P.O.S., élaboré sous le mandat de M. Solente, conserve aux « Hotteaux » sa vocation première de terre agricole. Actuellement, le domaine est loué à la S.A.F.E.R. par bail emphytéotique avec rétrocession aux agriculteurs pour 44 ha, le reste étant loué à titre précaire. Quant au château, vendu par la S.L.C., il est actuellement propriété de particuliers. Le patrimoine foncier du Domaine des Hotteaux est donc à nouveau reconstitué.
Félicitons nous en et souhaitons qu’il le demeure longtemps encore et puisse servir d’exemple pour éviter les erreurs du passé en matière de sauvegarde du milieu naturel.
La terre n’est-elle pas, en effet, l’une des valeurs fondamentales que nous devons préserver avec détermination contre les agressions permanentes de notre société urbanisante et vorace.
Il fut un temps où « habiter Brindas » n’était pas particulièrement valorisant, mais gageons que – dans un proche avenir – on pourra dire : « Ce sont des Brindasiens, ils ont su préserver la « Terre des Hotteaux ».