Par Gaston Bensan [1984]
Cette rubrique est une retranscription de l’ouvrage « Chronique Brindasienne », édité en 1984 par l’association du Vieux Brindas. Certaines des recherches proposées ici ont pu faire l’objet d’une mise-à-jour par des travaux plus récents. N’hésitez pas à compléter votre lecture par d’autres articles sur le site du Vieux Brindas.
Rituellement le Comité des Fêtes de Brindas accueille les visiteurs de la Foire annuelle par une banderole portant l’inscription :
« Vous qui venez de France, soyez les bienvenus »
BANDEROLE Rituelle du Comité des Fêtes de Brindas accueille les visiteurs de la Foire annuelle
Cette formule est une résurgence d’un dicton inscrit dans la mémoire populaire depuis le haut moyen-âge et encore en usage de nos jours dans de nombreux foyers brindasiens et de la région :
« Brindas hors de France »
et en patois local :
« Eyo dia France »
Le sens en a été altéré et modifié au cours des siècles. L’imagination populaire a multiplié interprétations et légendes.
Certains affirment que pour entrer à Brindas, de quelque côté que l’on aborde le village, il fallait payer péage et passer par un pont. Il est vrai, le visiteur venant de Craponne traverse le Pont Chabrol, de Grézieu le Pont Jacquemet, de Francheville le Pont de Chêne, de Vaugneray le Pont Pilon, de Messimy le Pont Pinay, de Malataverne le Pont d’Arthaud. La route venant de Chaponost elle aussi couvre une buse où coule le maigre débit du ruisseau du Boulot. Un péage a bien existé au XIVe siècle aux abords de Malataverne, mais partout ailleurs, rivières et ruisseaux étaient franchis à gué ou -sur des troncs d’arbres. D’autres assuraient que Brindas échappait à l’impôt sur les allumettes, alors qu’il est établi que les Brindasiens s’approvisionnaient en allumettes de contrebande dont la vente et même la fabrication étaient de grande pratique dans la région. Une légende tout aussi fausse ou pleine d’humour, affirme que Brindas avait été oublié par les géographes qui dressèrent la première carte de France. Ni à la fin du XVIIe lorsque fut établie la carte du Gouvernement Général du Lyonnais, ni en 1760 lorsque fut exécutée la partie régionale de la célèbre carte. dite « de Cassini », Brindas n’a été rayé de la carte.
Alors quelle signification donner à ce dicton « Brindas hors de France » ? Les spécialistes sont d’accord pour situer au milieu du XIIIe siècle, dans une période de grands défrichements, la création, dans la plupart des régions de France, d’exploitations et de domaines de hobereaux installés assez à l’écart des communautés villageoises.
À Brindas, c’est sur le territoire des Hotteaux qu’à la même époque se produit un fait de même nature. Le territoire des Hotteaux couvrait environ 70 hectares, placés aux confins du finage, loin des lieux habités et des châteaux environnants de Brindas, Chaponost, Francheville, et Grézieu. Un parchemin daté du 7 septembre 1287 nous apprend qu’en 1286 un sieur Barthélemy de Polliac édifia une maison forte sur le territoire des « Ottaux ».
Écusson et armoiries du roi de France avaient été apposés sur cette maison, placée ainsi sous la garde du roi.
Or dans cette région de l’Ouest Lyonnais où les fluctuations des limites administratives et judiciaires, où les luttes entre les rois et les comtes, entre les Comtes Archevêques de Lyon et les Comtes du Forez furent nombreuses, une frontière resta à peu près fixe, celle du diocèse de Lyon et les chanoines du Chapitre de Lyon étaient Seigneurs de Brindas. Le diocèse de Lyon était séparé du royaume depuis plusieurs siècles. Son rattachement à la couronne de France ne sera réalisé que par le traité du 10 avril 1312 (Philippe le Bel) qui mit fin au gouvernement des archevêques.
La tentative du Sieur Barthélemy entraîna l’intervention immédiate des chanoines de Lyon.
Le procès à peine engagé Barthélemy s’inclinait. Une transaction stipulait
la reconnaissance que le territoire des Ottaux dépendait de la seule juridiction des Chanoines Comtes de Lyon . Barthélemy acceptait de payer au Seigneur sacristain de Brindas la dîme sur les fruits et les animaux, retard y compris.
Barthélemy était autorisé à parachever la construction en cours pour l’habitation et en ne lui donnant ni allure de forteresse ni moyens de défense. En outre il s’engageait à ôter les armoiries du Roy de France.
Ainsi il était reconnu que Les Ottaux, comme le territoire de Brindas dont ils dépendaient n’étaient pas domaine du Roy.
Étant hors du royaume, Brindas était hors de France.