A Brindas, semble-t-il, il n’y eut, sous l’ancien régime, ni fondation, ni institution de caractère religieux ou privé.
L’analphabétisme est le fait marquant de cette période : 95% de la population vivait des travaux de la terre, la proportion d’analphabètes étant la même. Pourtant, deux traces d’enseignement occultes datent d’avant la Révolution.
La première est une ordonnance du 18 juillet 1767 du Lieutenant de la juridiction de Brindas rendu sous le réquisitoire du procureur :
« Il est défendu à une nommée Étiennette, dite « savoyarde » de tenir école et d’enseigner les enfants sans y être autorisée, ce dont elle justifiera dans le jour de la signification de ladite ordonnance ; en cas de contravention ladite ordonnance sera publiée par un huissier du comté à l’issue de la messe le 2 août 1767 ».
Ordonnance du 18 juillet 1767 du Lieutenant de la juridiction de Brindas
Faisait-elle partie de ces instituteurs nomades qui, pour beaucoup originaires de Haute Savoie, profitaient de l’hiver pour étudier et arrivaient en automne pour se louer ?
Des foires aux maîtres d’école étaient en effet organisées par les paroisses : le candidat instituteur portait des rubans au bout d’une canne ou des plumes à son chapeau : 1 plume pour la lecture, 2 plumes pour la grammaire, 3 plumes pour ceux qui savaient le calcul.
Le second témoignage, nous fait rencontrer la famille Fuchez, famille de luminaires et recteurs de la paroisse. Jacques, le jeune frère (1742-1822), prêtre constitutionnel, démissionnera en 1794 pour se marier.
Des 12 enfants de Jean Fuchez, l’aîné, Pierre (1759-1839) a sans doute bénéficié de la formation de son oncle Jacques : il exerce mais, comme le précise un document de la municipalité du 17 août 1788 :
« il y a un maître d’école, mais il n’y a point de fondation à ce sujet ».
Document de la municipalité, 17 août 1788
Il s’agit bien, en effet, d’un maître libre, sans diplôme, qui pourtant, le 11 avril 1790, se retrouvera greffier premier secrétaire de la mairie de Brindas. C’est grâce à lui que nous pouvons aujourd’hui connaître la vie communale de Brindas au temps de la Révolution. En 1794, sa classe et son logement s’installent dans les locaux du presbytère.
C’est l’un des fils de Pierre, Étienne (1804-1884) qui lui succédera en 1824. Il obtiendra en 1829 le certificat du second degré et sera le premier instituteur en titre de Brindas.
Et pour les filles ?
Le progrès le plus notable est l’ouverture de nombreuses écoles de filles par les sœurs de Saint-Joseph. Cette congrégation, créée au Puy en 1650, établit, surtout au XVIIIe siècle, une trentaine d’écoles de filles dans notre région : on y pratique à la fois l’enseignement et l’assistance en milieu rural. Les sœurs Saint-Joseph s’établissent en 1830 à Brindas. Cette école, installée à l’angle de la route de la Joanna et de la rue de la Fonte du Buyat, fonctionnera pendant 50 ans.
Le 19e siècle est marqué par une importante évolution dans le domaine scolaire : c’est l’œuvre de la Convention de Guizot, de Falloux, de Duruy et, bien sûr, de Jules Ferry sous la IIIe République.
À Brindas, l’évolution scolaire oppose l’école religieuse à l’école communale. Nous avons vu les premières étapes avec l’ouverture de l’école municipale dans les locaux du presbytère, pour les garçons ; puis l’ouverture sans autorisation, d’une école de filles et d’une maternelle par les sœurs Saint-Joseph.
De là naît un conflit, car il existait déjà une école de filles autorisée, celle tenue par Claudine Bros à partir de 1827, sous le nom de sœur Cécile : elle enseigne dans la maison du cordonnier rue du Vieux Bourg. Sœur Cécile est soutenue par la municipalité, alors que les sœurs Saint Joseph le sont par la paroisse !
Le 20 février 1831, le conseil municipal statuait :
«Considérant que la commune de Brindas n’est point considérable ni assez peuplée pour recevoir 2 établissements destinée à l’instruction primaire des filles, considérant que les sœurs Saint-Joseph sont illégalement établies dans la commune de Brindas demande la fermeture de l’école Saint-Joseph ».
Conseil Municipal de Brindas, 20 février 1831
Le Préfet donne son autorisation : la notification de l’arrêté de fermeture est prononcée et la notification en est faite par le garde-champêtre le 21 mars.
Un accord semble toutefois être intervenu par la suite, car les sœurs Saint-Joseph poursuivent leur activité ; quant à sœur Cécile, elle ferme sa classe et ouvre un commerce jusqu’à sa mort en 1840.
C’est en 1836, après l’acquisition par la Commune des bâtiments de l’ancien château, que la classe des garçons est transférée dans l’ancienne salle des réunions du Conseil municipal.
30 ans plus tard, le recensement fait apparaître qu’en moyenne la moitié de la population sait lire et écrire. À cette époque, l’école est payante et coûte annuellement de 1,25 francs à 2 francs selon le niveau ; l’instituteur reçoit quant à lui un traitement annuel de 200 francs (or). En 1879, on compte à Brindas 67 garçons et 80 filles scolarisés.
1883 : la construction des 2 écoles
Au moment de la préparation des lois de Jules Ferry, un effort est fait dans toute la France : c’est l’époque dite de « frénésie scolaire ».
À Brindas, les locaux existants étant devenus trop petits et insalubres, on décide la construction de 2 écoles.
De 1877 à 1881, on acquiert les terrains. Deux emplacements sont choisis : pour l’école de garçon : Placette des Ormeaux, pour l’école des filles : rue du Vieux Bourg.
Après de nombreuses tractations, la construction commence en 1883.
L’école des filles ouvre en 1884, le transfert est autorisé, et les sœurs Saint-Joseph, avec leur Supérieure, sœur Désirée, assurent l’enseignement, sans titre pédagogique. La laïcisation interviendra l’année suivante. L’école des garçons ouvrira en 1885.
Des transformations interviendront tout au cours des années : forage d’un puits pour l’alimentation en eau, et, en attendant l’électricité, ce sont des poêles qui chauffent les classes, allumés de bon matin par les élèves, volontaires ou désignés ! (Le bois est entreposé à la Mairie).
Les deux écoles fonctionneront séparément jusqu’en 1970, date à laquelle la mixité sera établie et les deux écoles réunies sous une unique direction.
L’explosion démographique fera passer les effectifs de 4 classes en 1972 à 9 classes en 1985. Ce ne sera qu’en 1979 qu’une nouvelle école maternelle verra le jour.
Ces écoles ont accueilli des générations d’enfants de Brindas. Pour parvenir à instruire l’ensemble de la population et vaincre l’analphabétisme, il a fallu à Brindas un siècle d’efforts.